Construction et assurance : la clause d’exclusion de garantie dans un contrat d’assurance constructeur doit être suffisamment précise

On sait qu’un contrat d’assurance peut prévoir une exclusion de garantie en cas de faute de l’assuré, à condition toutefois que cette exclusion soit « formelle et limitée » (C. assur., art. L. 113-1). Ce type de clauses se trouve aussi en matière d’assurances de constructeurs. Or, comme en témoigne un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass., Civ. 3e, 19 sept. 2019, FS-P+B+I, n° 18-19.616), encore faut-il que la limitation soit suffisamment précise pour être valable.

En l’espèce, le maître d’ouvrage a provoqué l’interruption des travaux d’édification d’un bâtiment agricole, considérant l’existence d’anomalies manifestes. Le rapport d’expertise a confirmé ses allégations en soulignant que la charpente n’était pas conforme aux règles de l’art « du fait du sous-dimensionnement de ses pièces et d’une mauvaise conception de certains de ces constituants ». Le constructeur, assigné par le maître d’ouvrage en réfection de la charpente et indemnisation, a appelé en garantie son assureur, lequel lui a opposé une clause d’exclusion de garantie relevant des conditions générales de leur contrat d’assurance.

Quant à la clause litigieuse, la police d’assurance stipulait qu’étaient exclus de la couverture assurantielle du constructeur « les dommages résultant de l’inobservation consciente, délibérée ou inexcusable des règles de l’art applicables dans le secteur du bâtiment ou du génie civil aux activités garanties, telles que ces règles sont définies par les documents techniques des organismes compétents à caractère officiel et spécialement par les documents techniques unifiés (D.T.U.) […] ou par les normes françaises homologuées diffusées par l’Association française de normalisation, ou à défaut par la profession, ou des prescriptions du fabricant, lorsque cette inobservation est imputable à l’assuré ou à la direction de l’entreprise, si l’assuré est une personne morale ».

Au visa erroné de l’article L. 131-1 (au lieu de l’art. L. 113-1) du code des assurances, la Cour de cassation a censuré la décision des juges du fond (rendue sur renvoi après cassation : Civ. 3e, 7 avr. 2016, n° 14-29.227) ayant débouté le constructeur de sa demande. Elle a jugé que l’assuré n’était pas en mesure de déterminer, d’une part l’étendue de l’exclusion stipulée dans le contrat en l’absence de définition contractuelle des règles et normes professionnelles visées afférentes aux règles de l’art ; et d’autre part, le caractère volontaire ou inexcusable de l’inobservation de ces règles. Dès lors, la clause litigieuse méconnaissait les prescriptions imposées par l’article L. 113-1 du code des assurances (v. égal., art. A. 243-1, Ann. 1).

Peu important ici l’éventuel manquement aux règles de l’art de la part du constructeur, dès lors la problématique résidait essentiellement dans la rédaction contractuelle. Une telle clause d’exclusion de garantie au profit de l’assureur ne pouvait recevoir application en l’absence de définition au sein du contrat d’assurance portant sur les règles de l’art en question et ce qui est constitutif d’un manquement volontaire ou inexcusable ; la simple référence aux règles professionnelles n’étant pas suffisante.

GB (Avocat à Paris)