HCR / Vademecum : Le protocole sanitaire renforcé dans les restaurants des zones d’alerte maximale

En raison de la forte progression ces derniers jours de l’épidémie de Covid-19, certains territoires comme la métropole d’Aix-Marseille, la Guadeloupe et la ville de Paris ainsi que sa petite couronne (92, 93 et 94) ont été placés en « zone d’alerte maximale » et font l’objet de nouvelles mesures de restrictions sanitaires qui s’appliquent par arrêtés préfectoraux. Le secteur de la restauration, au sens large, est à nouveau impacté par ces mesures. Pour y voir plus clair, les détails ci-après.

 

Activités concernées par les mesures de restrictions sanitaires & durée

Les exploitants ayant comme activité principale la vente de boissons (c’est-à-dire les débits de boisson avec le code NAF « 56.30 Z ») sont incontestablement les plus fortement impactés puisqu’ils sont tenus de suspendre provisoirement leur activité, subissant une fermeture administrative jusqu’à nouvel ordre.

Concrètement, il s’agit principalement des bars, cafés, discothèques et pistes de danse où le service de boissons – notamment alcoolisées – est prédominant ainsi que les vendeurs de boissons itinérants.

A ce titre, on peut s’interroger lorsque l’activité principale de l’établissement n’est justement pas la vente de boissons (par exemple, et même si cela demeure très théorique, une discothèque dont le service de boissons ne serait pas prédominant mais accessoire [code NAF 93.29 Z]).

Ce type d’établissement semble, dans ce cas, pouvoir rester ouvert en respectant entre autres sa capacité maximale d’accueil ainsi que la règle d’au moins 1 mètre de distanciation sociale, ce qui n’est évidemment qu’une illusion.

S’agissant des établissements de restauration traditionnelle (code NAF 56.10 A) et de restauration rapide (code NAF 56.10 B), ces derniers ont évité de justesse une nouvelle fermeture administrative et peuvent rester ouverts, à leurs horaires habituels, sous réserve de respecter strictement le nouveau protocole sanitaire qui vient d’être mis en place par l’exécutif (voir ci-dessous).

Il en est de même pour les exploitants de cafétérias et autres établissements libre-service (code NAF : 56.10 B), lesquels peuvent poursuivre leur activité en respectant ce même protocole sanitaire.

En cas de contrôle, l’exécutif demande aux établissements d’afficher de manière lisible leur extrait K-bis faisant mention de leur type d’activité.

Ces mesures entrent en vigueur à compter du mardi 06 octobre 2020 au matin et sont applicable jusqu’au 19 octobre inclus. Elles seront réévaluées à l’issue de cette période.

 

Mise en place d’un protocole sanitaire renforcé dans le secteur de la restauration

Sur recommandation du Haut Conseil de la Santé Publique (« HCSP »), le nouveau protocole sanitaire demandé aux restaurateurs implique notamment les mesures suivantes :

 

  • un espace libre d’au moins 1 mètre entre les chaises de tables différentes. L’objectif ici clairement affiché par le Gouvernement est de réduire la densité de personnes dans un espace clos pour limiter l’aérosolisation. Des écrans de protection entre les tables peuvent compléter cette mesure.

 

  • Port du masque pour le personnel en salle, à la réception et en cuisine. L’exécutif précise à ce sujet que le port d’une protection faciale (par exemple, la demi-visière) est prohibé. Seul le masque grand public en tissu réutilisable répondant aux spécifications de l’Afnor (catégorie 1) est accepté. Le masque doit obligatoirement couvrir le nez, la bouche et le menton.

 

 

  • Port du masque pour les clients. Cette mesure est plus délicate. En effet, le restaurateur doit veiller à ce que les clients portent continuellement le masque (à l’exception, bien sûr, de la prise des repas et des boissons). Cette règle vaut aussi bien lorsque le client est assis à table que lorsqu’il se déplace dans les locaux du restaurant. Dans la mesure où les sanctions en cas de non-respect du protocole sanitaire sont particulièrement sévères (voir ci-dessous), nous suggérons aux restaurateurs d’afficher cette règle de bonne conduite de manière claire et lisible à l’entrée de leur établissement et de la rappeler à table.

 

 

  • Nombre de personnes à table limitées strictement à 6. Les instances représentatives des restaurateurs proposaient de limiter à 8 personnes (contre 10 avant le 06 octobre 2020). Le Gouvernement a finalement tranché : c’est dorénavant 6 personnes à table (enfants compris) jusqu’au 19 octobre prochain.

 

 

  • Tenue d’un cahier de rappel. C’est là sans aucun doute la mesure la plus délicate mais aussi la plus discutable d’un point de vue légal. A l’instar de l’Allemagne de l’Italie ou encore du Portugal, ce cahier doit être renseigné dès l’entrée du client dans le restaurant et conditionne d’ailleurs son accès à l’établissement. En d’autres termes, si le client refuse de renseigner son identité, le restaurateur doit lui refuser l’accès à son restaurant. L’objectif ici consiste pour l’exécutif à mettre ce cahier à disposition de l’Agence Régionale de Santé ou de l’assurance maladie en cas de déclenchement d’un contact-tracing.

 

Toutefois, de nombreuses questions surgissent avec ce « cahier de rappel » :

 

  • Tout d’abord, que faire face aux informations farfelues de certains clients et qui, finalement, ne serviront à rien ? en effet, un restaurateur n’est pas un officier de police judiciaire habilité à exiger une pièce d’identité pour vérifier la véracité des informations transmises par le client.

 

  • Ensuite, comment traiter correctement l’identité des clients avec leurs adresses et numéros de téléphone ? Ceci pose l’épineuse question du traitement des données personnelles d’un individu que ce soit sous forme papier ou sous forme électronique avec, dans ce dernier cas, la mise en place obligatoire d’un RGPD. Ce cahier traite nécessairement de données sensibles et confidentielles (tel que potentiellement l’état de santé d’un client). Or, ce type d’information doit faire l’objet d’une déclaration auprès de la Cnil, sous risque de sanctions administratives et/ou pénales de l’exploitant.

 

  • Enfin, le Gouvernement précise que « (…) dans tous les cas, ces données seront détruites après un délai de 14 jours (…) ». Pourtant, quels seront les moyens pour un client de s’assurer que ses données personnelles seront bien effacées ?

 

Aucune réponse n’est apportée à ces questions.

 

On comprend ici la volonté de l’exécutif qui, pour des raisons de santé publique, entend tracer, via ce cahier, l’historique de personnes potentiellement contaminées par le virus. Pour l’heure, on regrette cependant les imprécisions qui y règnent en matière de protection des libertés individuelles dont les restaurateurs en assument, malgré eux, le risque ultime.

 

  • Promouvoir l’application « StopCovid ». Le Gouvernement demande aux restaurateurs de recommander à leurs clients le téléchargement et l’activation de l’application « StopCovid» qui, pour l’instant, n’a rencontré qu’un très faible succès (en septembre 2020, l’application notait seulement 3 millions de téléchargements, soit 4,5% de la population française). Le rappel du téléchargement de cette application peut, par exemple, se faire à l’entrée du restaurant, par voie d’affichage.

 

  • Affichage de la capacité maximale d’accueil. L’exploitant restaurateur est également tenu de renseigner sa capacité maximale d’accueil à l’extérieur de son établissement et sur son site web, s’il en a un. En pratique, cette information se trouve dans le règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public (« ERP ») établi avec l’aide du SDIS et qui fixe la capacité d’accueil maximale (v. chapitre III relatif aux établissements du type « N », c’est-à-dire les restaurants et débits de boissons). Peu importe la capacité réelle de l’ERP, c’est la capacité théorique qui est prise en compte par l’Administration en cas de contrôle.

 

  • Solution hydroalcoolique. Le communiqué de presse du Gouvernement stipule que des distributeurs de solution hydroalcooliques doivent être mis à disposition du public dans des endroits facilement accessibles et, au minimum, à l’entrée du restaurant (et idéalement sur chaque table).

 

  • Paiement de l’addition. De manière obligatoire, et au moins jusqu’au 19 octobre prochain, le paiement de l’addition devra se faire à la table des clients, et ce, afin de limiter au maximum les déplacements au sein de l’établissement.

 

Sanctions applicables en cas de non-respect du protocole sanitaire renforcé

 

Tout d’abord, le communiqué de presse du Gouvernement souligne clairement que les contrôles sur le respect du protocole sanitaire, et plus généralement des règles relatives à la sécurité, la santé ou la salubrité publique, vont être fortement renforcés dès les prochains jours.

En cas de non-respect, l’établissement peut alors se voir sanctionner par l’autorité en charge des pouvoirs de police de santé publique, de salubrité ou de sécurité publique (c’est-à-dire : la commune directement ou la Préfecture).

Les sanctions vont du simple avertissement à la décision de fermeture administrative de l’établissement et doivent, à chaque fois, être motivées et être précédées (sauf dans les cas d’urgence) d’une procédure contradictoire permettant au restaurateur de se défendre.

La fermeture administrative peut être d’une durée de 6 mois maximum avec un retrait de l’autorisation d’exploiter dans les cas les plus graves

A compter de la notification de la décision de fermeture administrative, le restaurateur dispose alors d’un délai de 2 mois pour exercer un recours, soit auprès de l’autorité administrative, soit auprès du Tribunal administratif (cette dernière option est préférable car elle permet de demander en urgence au juge de suspendre sans délai la décision de fermeture de l’établissement via la procédure de « référé-suspension »)

 

Au regard des dernières décisions de justice rendues dans le cadre de fermetures administratives temporaires de débits de boissons et de restaurants, les Tribunaux sont manifestement très peu enclins à donner raison aux exploitants qui seraient négligents sur le protocole sanitaire.

 

En effet, pour les juges, ces mesures sanitaires sont certes restrictives à la liberté d’entreprendre mais elles sont nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif de sauvegarde de la santé publique qu’elles poursuivent.

 

Dès lors, il appartient aux autorités de s’assurer que dans les lieux recevant du public les gestes barrières et les mesures d’organisation sont bien appliquées et respectées.

Cédric KÜCHLER, Avocat au barreau de Paris

Sources :

https://www.prefectures-regions.gouv.fr/ile-de-france/Actualites/Nouvelles-mesures-de-lutte-contre-la-COVID-19-5-octobre-2020; https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=6EDC2BBC-CF71-49ED-8ADD-AE4F5484E4D6&filename=244%20%20renforcement%20du%20protocole%20sanitaire%20dans%20les%20restaurants.pdf;Tribunal administratif de Marseille, 30 septembre 2020, Région Sud et autres, n°2007302 ; Conseil d’Etat, Référés, 22 mars 2020, Syndicat jeunes médecins, n°439674.