L´avis de la Cour de cassation concernant le barème d´indemnisation MACRON : fin de la saga judiciaire ?

L’une des ordonnances du 22 septembre 2017, dites ordonnances MACRON, a instauré des planchers et des plafonds d’indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixés en fonction de l’effectif de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié (c. trav. art. L. 1235-3).
Pendant près d’un an, de nombreux Conseils de prud’hommes ont écarté l’application de ce barème, allouant des indemnisations au-delà des plafonds prévus, au motif qu’il ne permettait pas une indemnisation « adéquate » ou une « réparation appropriée » au sens des articles 10 de la Convention n° 158 et 24 de la Charte sociale européenne (ex. CPH Troyes 13-12-2018, n° 18/00036 ; CPH Lyon 21-122018, n° 18/01238 ; CPH Montpellier 17-5-2019, n° 18/00152,…).

Afin de contenir la fronde des CPH, une circulaire du Ministère de la Justice a été adressée, le 26 février 2019, notamment aux Procureurs généraux près des Cours d’appel, sollicitant du Ministère public qu’il se porte partie jointe aux appels des jugements qui ont écarté l’application du barème.
Dans cette circulaire, le Ministère de la Justice a rappelé que le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle ni sérieuse a été soumis au Conseil d’État et au Conseil constitutionnel :
• le Conseil d’État a considéré que le barème n’est pas en contradiction avec la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) ni avec la Charte sociale européenne (CE 7-12-2017, n° 415243) ;
• le Conseil constitutionnel, à l’occasion de l’examen de la loi de ratification des ordonnances « Macron », a estimé le barème conforme à la Constitution (CC, décision n° 2018-761 DC du 21-03-2018)

Saisie d’une demande d’avis par les Conseils de prud’hommes de Louviers et de Toulouse afin de contribuer dès que possible à une harmonisation de la jurisprudence, la formation plénière de la Cour de cassation s’est déclarée compétente pour rendre un avis et a reconnu la conformité du barème à l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).

Pour rappel, en cas de licenciement injustifié, la convention OIT prévoit, sur le plan indemnitaire, « le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».
Aux yeux de la Cour de cassation, le terme « adéquat » doit être compris comme réservant aux États parties une marge d’appréciation.

Elle en a déduit que le barème Macron, qui laisse au juge le soin de déterminer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse entre un montant minimal et un montant maximal, est compatible avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, l’État n’ayant fait qu’user de sa marge d’appréciation.
Elle rappelle également que le barème est écarté en cas de nullité du licenciement, qui sanctionne les cas les plus préjudiciables (licenciement discriminatoire, licenciement dans un contexte de harcèlement, etc.).
Mais cet avis ne met pas fin à la saga judiciaire concernant le barème MACRON.
En effet, sur le principe, les juges du fond ne sont pas tenus de suivre un avis rendu par la Cour de cassation (article L. 441-3 du Code de l’organisation judiciaire).
Certains conseils de prud’hommes pourraient donc continuer d’entendre les arguments tirés du défaut de conventionnalité du barème Macron pour fixer des indemnités qui dépassent le plafond. Au risque d’encourir ensuite les foudres des juridictions supérieures en cas d’appel, puis de pourvoi en cassation.
Prochainement, ce sont les cours d’appel de Paris et de Reims qui se prononceront sur le barème (décisions attendues pour le 25 septembre 2019). Reste à voir si elles s’aligneront sur l’avis de la Cour de cassation.
Compte tenu du nombre de décisions rendues en la matière, il y a aussi de fortes chances que la Cour de cassation soit dans un proche avenir à nouveau saisie du barème Macron, mais cette fois dans le cadre d’un pourvoi en cassation. Mais on imagine mal qu’elle change son fusil d’épaule à cette occasion…

DL (Avocat Strasbourg – Rechtsanwalt Straßburg)