La nouvelle « habilitation familiale »

L’ordonnance 2015-1288 du 15 octobre 2015 met en place l’habilitation familiale qui permet à un proche de passer des actes au nom de la personne qui est hors d’état de manifester sa volonté, sans avoir à réaliser le formalisme d’une mesure de protection de droit commun.

Cette mesure vient répondre à un besoin de plus en plus croissant des familles. En France, plus de 900 000 personnes font l’objet de mesure de protection. Ce chiffre aura tendant à croître dans les années à venir, ce qui démontre l’intérêt de mettre en place une palette de mesures répondant au besoin des familles.

L’objectif de ce dispositif est de « permettre aux familles qui sont en mesure de pourvoir, seules, aux intérêts de leur proche vulnérable d’assurer cette protection, sans se soumettre au formalisme des mesures de protection judiciaire. Il s’agit de donner effet aux accords intervenus au sein de la famille pour assurer la préservation des intérêts de l’un de ses membres » (Rapp. au président de la République, JO 16 oct. 2015, p. 19301)

Ce mécanisme concerne les personnes hors d’état de manifester leur volonté pour l’une des causes de l’article 425 du Code civil. La mise en place de l’habilitation passe par le dépôt d’une requête au juge des tutelles, motivée par un certificat médical délivré par un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la république, constatant une altération des facultés mentales.

Une liste exhaustive des personnes autorisées à demander l’habilitation pour un proche est fournie par l’ordonnance. Il s’agit des parents en ligne directe, des collatéraux privilégiés, et du membre du couple non marié (concubin ou partenaire de PACS). On peut déjà s’étonner de constater l’absence de l’époux, alors que le droit civil prévoit d’autres mécanismes de représentation (ex : art 219 Ccivil) pour gérer et administrer le patrimoine des époux. Cet oubli est regrettable et constitue le premier écueil de ce projet plein de bonnes intentions.

Cette mesure peut être prononcée pour 10 ans, renouvelable selon les mêmes modalités que sa mise en place initiale. L’habilité s’éteint au décès de la personne protégée, son placement sous un régime de protection (tutelle, curatelle, sauvegarde), ou après jugement définitif de main-levée prononcé par le juge à la demande de l’un des proches ou du procureur si les conditions de l’habilitation ne sont plus réunies ou que l’habilitation familial porte atteinte aux intérêts de la personne protégée.

Bien qu’on puisse reconnaître un avantage pratique à cette mesure il n’en reste pas moins qu’elle consacre pour certains le désintérêt des pouvoirs publics envers les personnes vulnérables (V. Montourcy, AJ fam. 2016. 192). La gestion patrimoniale d’une personne peut se retrouver entre les mains d’un tiers (bien qu’il s’agisse d’un « proche »), et ce sans contrôle. Contrairement aux mesures de tutelle ou de curatelle, le juge n’aura pas à vérifier que l’objectif de telle ou telle opération est entreprise dans l’intérêt de la personne vulnérable. Le seul garde-fou reste l’entente familiale, puisque si un autre proche n’est pas d’accord avec la gestion de la personne habilitée, elle peut solliciter la mise en place d’un régime de protection « classique » et donc faire tomber l’habilitation. (Avocat Paris – Strasbourg, 04.05.2016)